Plumes et paillettes: un cabaret drag queen dans le far west sud-africain
Le jour, il est un propriétaire d'hôtel à la cinquantaine corpulente. Mais chaque samedi soir depuis près de vingt ans dans le semi-désert sud-africain, Jacques Rabie devient la diva du Karoo, Leyla Lamborghini.
Fard à paupières pastel et sandales à bride ornée de strass, sa transformation s'opère devant une coiffeuse éclairée d'ampoules au style hollywoodien.
Cette bulle à plumes et paillettes se niche dans un vieil hôtel ordinaire du Petit Karoo, région aride habituellement connue comme le royaume des éleveurs d'autruches et un bastion de l'Afrique du Sud agricole et blanche.
Une seule petite ville dans les environs, Steytlerville, reliée par une longue route, dans un horizon infini de buissons ras et de succulentes. Le Cap est à plus de 650 kilomètres.
"Au début, c'était difficile", raconte Jacques Rabie, 58 ans, en agitant un pinceau de maquillage sur son visage. Mais "au bout d'un moment, plus de gens comme nous, plus de gays comme nous ont emménagé et c'est devenu plus acceptable en ville", poursuit-il en remontant sa fausse poitrine avant d'enfiler une robe blanche vaporeuse.
Dans quelques minutes, il montera sur scène devant une vingtaine de convives attablés pour un dîner en trois services. Dans un décor tamisé, nappes rouges velours et chandeliers, le transformiste interprète les standards des grandes chanteuses à voix comme Diana Ross, Shirley Bassey ou encore Céline Dion.
Tout au long d'un jeu de scène rétro et burlesque, avec son compère au piano et compagnon dans la vie Marks Hinds, alias Freddy Ferrari, l'interprète lève la jambe et prend des poses qui déclenchent les rires. Avec à chaque numéro, un nouveau costume qu'il confectionne lui-même.
La salle est "pleine à craquer tous les samedis soirs, tout au long de l'année", assure le couple gay. L'Afrique du Sud, aux lois parmi les plus progressistes du monde, a été le premier pays du continent à légaliser le mariage homosexuel en 2006.
Les spectateurs viennent voir "quelque chose dont ils ont entendu parler mais qu'ils n'ont jamais vu", explique Mark Hinds, 65 ans.
"Je n'avais jamais été à un spectacle de drag queen de ma vie, je ne savais pas à quoi m'attendre", avoue Lara Engelbrecht-Wilbraham, 44 ans, à la tête d'une entreprise d'équipements en énergie solaire.
"C'est juste classe et beau", dit-elle sous le charme après le spectacle.
D.R.Megahan--NG