Audiovisuel public: le Sénat remet sur la table la création d'une holding
Le Sénat a entamé lundi la discussion d'une proposition de loi sur l'audiovisuel dont la mesure phare reprend l'idée controversée d'une holding chapeautant France Télévisions et Radio France, disposition à laquelle la ministre de la Culture "n'est pas favorable".
Le texte est porté par le président de la commission de la Culture du Sénat, le centriste Laurent Lafon, pour qui "il y a urgence à agir".
Dans un contexte marqué par de profondes mutations, avec le développement des plateformes, des réseaux sociaux, ou encore de la télévision connectée, le sénateur entend, avec cette proposition de loi, assurer "la souveraineté audiovisuelle" de la France.
"Nous sommes très attachés à l'existence d'un audiovisuel public fort, indépendant et s'adressant à tous les Français", a renchéri le rapporteur LR Jean-Raymond Hugonet.
La crise sanitaire du Covid avait conduit en 2020 à l'abandon du projet de loi du ministre de la Culture de l'époque, Franck Riester, engageant le regroupement de l'audiovisuel public.
La proposition de loi, qui a peu de chances de prospérer en l'état, propose la création d'une holding, nommée France Médias, composée de quatre filiales, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24), ainsi que l'Institut national de l'audiovisuel (Ina). Ce dernier passerait du statut d'établissement public à celui de société. Détenue à 100% par l'Etat, cette holding serait mise en place au 1er janvier 2024.
L'idée de la création d'une holding est également ressortie la semaine dernière dans un rapport des députés Jean-Jacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance).
Mais, durant leurs auditions, les patrons de l'audiovisuel public ont affiché leurs réticences.
"Je ne suis pas sûre que ce soit la priorité du moment", a répondu en avril Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions. "C'est plutôt un facteur de déstabilisation de remettre régulièrement sur la table la question de la gouvernance", a renchéri Sibyle Veil, numéro un de Radio France.
"Un grand mécano institutionnel ne m'apparaît ni nécessaire ni prioritaire", a affirmé de son côté la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak devant le Sénat.
Elle s'est dite "convaincue qu'une véritable ambition pour l'audiovisuel public peut reposer sur des coopérations par projet". "Changer de méthode maintenant pour créer une holding, dont je comprends que ce serait une première étape vers une fusion, c'est retarder des projets indispensables", a-t-elle ajouté.
- "Retour à l'ORTF" -
La gauche a dit sa crainte qu'une holding accentue la fragilité du secteur public et profite au contraire aux chaînes privées.
"Quelle modernité!", a raillé le socialiste David Assouline, moquant "un parfum de retour à l'ORTF".
"Rien n'est pire que l'immobilisme", a déclaré Roger Karoutchi (LR)."Le système s’écroulera face à la concurrence si nous n'avons pas une réforme globale", a-t-il prédit.
Il y a tout juste un an, Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi avaient proposé dans un rapport de fusionner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Ina à partir de 2025 dans une société publique unique.
Concernant le financement de l'audiovisuel public qui, après la suppression de la redevance, doit encore être pérennisé au-delà de 2024, la proposition de loi exclut de fait la piste d'une subvention. Elle fixe le principe d'une ressource publique "de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible" et prenant en compte l'inflation.
Le second volet de la proposition de loi s'attache à lutter contre les "asymétries" de concurrence du secteur et s'attaque en particulier à la délicate question des droits sportifs.
Pour "favoriser l'accès de tous aux événements sportifs", le texte propose notamment d'étendre aux plateformes l'obligation faite aux chaînes payantes de céder certains droits à des services de télévision à accès libre diffusés sur la TNT.
Entre autres mesures, il entend aussi rééquilibrer le partage de la valeur entre diffuseurs et producteurs, pour "inciter les chaînes à investir davantage dans des productions de qualité".
M.Scott--NG