Sabotage du réseau internet: l'enjeu critique de la sécurité des infrastructures
Un sabotage "professionnel" en guise d'alerte: après les actes de malveillance d'une ampleur sans précédent ayant perturbé l'accès à internet dans plusieurs grandes villes françaises mercredi, la sécurisation des infrastructures réseaux redevient un enjeu critique, malgré leur "résilience".
"Aggravation" du vandalisme
Les rares photos diffusées des câbles "longue distance" interrégionaux en fibre optique sectionnés volontairement en plusieurs lieux, notamment sur la liaison Paris-Lyon et Paris-Strasbourg, témoignent de la sophistication de l'attaque, selon les spécialistes.
"Des faisceaux d'indices montrent que les auteurs connaissaient précisément la localisation des chambres de tirage (l'endroit où passent les câbles, NDLR) et les câbles à couper", observe un fin connaisseur du réseau internet français.
"Sur l'axe Paris-Lyon, cela s'est fait au milieu d'un champ de colza. Ils ont en plus coupé les sur-longueurs de câbles, utilisées lors des maintenance, pour que ça prenne énormément de temps à réparer. C'est du travail d'ultra-précision", ajoute-t-il.
Michel Combot, directeur général de la Fédération française des télécoms, confirme à l'AFP qu'"on a franchi un cap" dans "l'aggravation des actes de vandalisme" depuis 2020.
D'autant plus que les opérateurs avaient davantage l'habitude, selon lui, d'être frappés par des "actes assez isolés, souvent peu professionnels" et cantonnés à la volonté de "faire un symbole", à l'image des antennes 5G incendiées durant la crise sanitaire.
Au-delà des risques déjà identifiés en matière de cybersécurité, c'est donc l'enjeu de la préservation physique des réseaux qui a été remis en lumière par ces attaques.
"Nos infrastructures télécoms sont d'ailleurs qualifiées juridiquement d'infrastructures d'importance vitale pour le pays", a rappelé sur Europe 1 Thomas Reynaud, directeur général d'Iliad, maison mère de l'opérateur Free, soulignant la place importante prise par le numérique "dans notre quotidien, dans nos économies, dans nos services publics".
"Résilience" malgré la malveillance
Malgré l'ampleur de l'attaque, l'affaire a aussi démontré la capacité de réparation "très rapide" des opérateurs français et "la force du modèle de l'internet", estime Pierre Bonis, directeur général de l'Afnic, association qui gère les noms de domaines en ".fr".
"Un réseau, c'est comme un système nerveux: dès qu'une branche se coupe, il s'autoprotège et on bascule le trafic sur des routes secondaires, d'autres chemins de fibre optique. C'est ce qui nous a permis de limiter fortement l'impact pour nos abonnés et de rétablir très rapidement le service", indique encore Thomas Reynaud.
InfraNum, la fédération qui réunit l'ensemble des industriels des infrastructures numériques françaises, veut plaider toutefois auprès du prochain gouvernement la nécessité de lancer "un grand plan" pour renforcer "la résilience" des réseaux télécoms.
"On n'est pas à l'abri que cela recommence", prévient son président, Philippe Le Grand, qui préconise de faire en sorte que 100% des réseaux soient doublés ("redondés") car ce "n'est pas encore le cas partout".
"Durcir" les peines pour sabotage
En mars 2020, des câbles télécoms avaient été intentionnellement coupés en Ile-de-France, à Vitry et à Ivry (Val-de-Marne), privant momentanément d'accès à internet des dizaines de milliers d'abonnés d'Orange, tandis que des centres de données voyaient leur activité perturbée.
Une plainte avait été déposée et une enquête ouverte mais l'une des parties au dossier a indiqué mercredi à l'AFP n'avoir eu "aucune nouvelle des autorités" à ce sujet.
"Il y a quand même eu des personnes arrêtées" sur d'autres affaires, rappelle Michel Combot, de la Fédération française des télécoms.
Alors qu'elle juge l'arsenal de sanctions pénales en vigueur "peu dissuasif", l'association qui réunit l'ensemble des opérateurs plaide pour un durcissement des peines liées à dégradation des infrastructures de réseaux.
"Au lieu de deux ans de prison maximum, il faut passer à cinq ans maximum. Et au lieu de 30.000 euros d'amende maximum, il faut passer à 75.000 euros d'amende maximum", demande M. Combot.
"Nous avons déjà défendu cette proposition l'an dernier au Parlement mais sans succès", ajoute-il, réclamant également un renforcement de la "coopération" avec les autorités de police et de justice "au niveau local".
N.Handrahan--NG