Boeing accepte de plaider coupable pour éviter un procès lié aux crashes de 2018 et 2019
Boeing a trouvé un accord avec le gouvernement américain pour éviter un procès embarrassant, à l'issue incertaine, dans le dossier pénal lié au crash de deux 737 MAX 8 en 2018 et 2019, qui ont fait 346 morts.
"Nous avons conclu un accord de principe sur les termes d'une résolution avec le ministère de la Justice" (DOJ), a indiqué le constructeur aéronautique américain dans un communiqué diffusé dans la nuit de dimanche à lundi.
Dans un point d'étape déposé dimanche auprès du tribunal fédéral du Texas (sud) chargé de cette affaire, le ministère confirme cette entente de principe et s'engage à transmettre au juge l'accord définitif au plus tard le 19 juillet.
Cet accord de plaider-coupable intervient après que le ministère a considéré mi-mai que le groupe avait bafoué un accord antérieur concernant les accidents d'avions opérés par la compagnie indonésienne Lion Air et par Ethiopian Airlines.
Cet accord dit de poursuite différée (DPA), datant du 7 janvier 2021, lui imposait notamment d'améliorer son programme de conformité et d'éthique, avec une mise à l'épreuve de trois ans.
Mais le groupe a cumulé, pendant de longs mois, une série de problèmes de production et de qualité, et un incident le 5 janvier sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines a entraîné, depuis, moult retombées judiciaires, politiques, réglementaires et de gouvernance.
- Un chef d'accusation -
En faisant part de ses conclusions au juge texan Reed O'Connor mi-mai, le ministère s'était engagé à faire part "au plus tard le 7 juillet" de sa décision de lancer ou non des poursuites.
Une dizaine de jours avant cette échéance, il avait adressé une offre de plaider-coupable à Boeing. Elle portait sur le seul chef d'inculpation contenu dans le DPA de 2021.
D'après les documents déposés tard dimanche soir auprès du tribunal, l'entreprise a donc accepté de plaider coupable d'avoir "en toute connaissance, et avec l'intention de commettre une fraude, conspiré et s'être entendue avec des tiers pour commettre une fraude envers les Etats-Unis" lors du processus de certification du 737 MAX.
Les familles des victimes ont réagi immédiatement dans un communiqué, se disant "très déçues".
Elles ont déposé, dans la foulée, une motion de contestation et réclamé une audience auprès du juge Reed O'Connor.
Cet accord "généreux repose sur des postulats trompeurs et offensants", selon la requête déposée par leurs avocats.
"La justice américaine, qui devrait être un exemple pour le monde entier, montre en réalité une complaisance honteuse face à ceux qui privilégient la rentabilité et l'image à court terme sur la sécurité de (leurs) passagers", a déploré lundi Catherine Berthet, qui a perdu sa fille Camille dans l'accident d'Ethiopian Airlines.
"Une fois encore, (...) le DOJ fait fi des familles en ne mentionnant dans l'accord de +plea deal+ aucune des victimes", a-t-elle souligné.
Le ministère précise dans son document dominical avoir l'intention de les rencontrer prochainement.
- Immunité -
A la suite des deux accidents, tous les 737 MAX ont été immobilisés pendant vingt mois aux Etats-Unis et à travers le monde. Boeing a admis en avril 2019 que son logiciel anti-décrochage MCAS était en partie responsable.
En vertu de l'accord de 2021, Boeing a payé 2,5 milliards de dollars - dont une amende de 243,6 millions - en échange notamment d'une immunité pour ses dirigeants contre des poursuites pénales.
Une seule personne, un ancien pilote d'essai de Boeing, a été poursuivie dans cette affaire. Et acquittée.
L'accord de principe conclu dimanche prévoit une amende supplémentaire de 243,6 millions de dollars et un investissement minimum de 455 millions dans des "programmes de conformité et de sécurité".
Boeing, sous étroite surveillance du régulateur américain de l'aviation civile (FAA), a présenté fin mai un "plan complet" destiné à renouer avec la qualité.
Par ailleurs, un contrôleur indépendant nommé par le gouvernement pour un mandat de trois ans - nouvelle période probatoire - sera chargé de superviser le respect de ces engagements. Il était réclamé par les familles depuis des années.
Selon l'accord, le montant de l'indemnisation de ces dernières sera déterminé par le tribunal et le conseil d'administration de l'avionneur devra les rencontrer.
Pour John Coffee, professeur à l'université Columbia, une entente hors tribunal a l'avantage pour les deux parties "d'éviter une défaite humiliante et d'être rapide". Mais, dans ce cas-là, "le grand public en ressort souvent lésé", avait-il relevé dans un blog la semaine dernière.
Outre les difficultés découlant d'un procès pénal, une condamnation aurait pu aussi priver l'avionneur de juteux contrats gouvernementaux et militaires, qui ont généré un tiers de son chiffre d'affaires en 2023.
Vers 16H20 GMT lundi, l'action Boeing progressait de 0,58% à la Bourse de New York.
T.McGilberry--NG