Cinq choses à savoir sur la chaîne qatarie Al Jazeera
La chaîne de télévision qatarie Al Jazeera a annoncé que les forces israéliennes avaient effectué dimanche une descente dans ses bureaux de Ramallah, en Cisjordanie occupée, et émis un ordre de fermeture de 45 jours.
La chaîne est accusée dans l'ordre de fermeture d'"inciter et de soutenir le terrorisme", a indiqué le chef du bureau en Cisjordanie, Walid al-Omari, qui accuse Israël d'essayer "d'empêcher les gens d'entendre la vérité".
Voici cinq choses à savoir sur le géant arabe des médias, dans le viseur du gouvernement israélien bien avant le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, le 7 octobre 2023.
- Fondation -
Al Jazeera a été créée à Doha en 1996 par un décret de l'ancien émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani.
Tout en stipulant que la chaîne devait être "totalement indépendante de toute influence", le décret prévoyait un prêt gouvernemental d'environ 140 millions d'euros pour "sa mise en place et la couverture de ses coûts de fonctionnement pendant cinq ans".
Le gouvernement qatari a continué toutefois à financer une partie du budget de la chaîne, soulevant parfois des questions sur son indépendance éditoriale par rapport à Doha.
Al Jazeera s'est immédiatement imposée comme un rival des géants internationaux des médias, mais sa couverture en tant que "première chaîne d'information indépendante du monde arabe" a également suscité des tensions dans la région.
- Portée mondiale -
La chaîne affirme couvrir 95 pays avec 70 bureaux et une équipe de 3.000 employés, et dit toucher 450 millions de foyers.
Al Jazeera, qui diffusait seulement en arabe, a lancé en 2006 un service en anglais, Al Jazeera English.
Le réseau comprend également une chaîne diffusant des événements en direct, Al Jazeera Mubasher, et la chaîne AJ+, uniquement en ligne, qui s'adresse à un jeune public.
- Printemps arabe -
Alors qu'une vague de soulèvements populaires a balayé le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en 2011, Al Jazeera a été considérée comme un acteur clé dans le façonnement de l'opinion publique, ayant accordé un temps d'antenne sans précédent aux groupes d'opposition, en particulier au mouvement islamiste des Frères musulmans.
La chaîne a subi alors des pressions de la part des gouvernements de toute la région.
Le Caire a par exemple considéré Al Jazeera comme un porte-parole des Frères musulmans et les autorités égyptiennes ont arrêté trois journalistes de la chaîne.
- Blocus du Qatar -
En 2017, les voisins du Qatar, au premier rang desquels l'Arabie saoudite, ont imposé un blocus diplomatique et économique de trois ans à la monarchie du Golfe.
En plus d'exiger du Qatar qu'il coupe ses liens avec les Frères musulmans et le Hamas (le Qatar héberge le bureau politique du mouvement islamiste palestinien), ils ont également appelé à la fermeture d'Al Jazeera et de toutes ses filiales.
La chaîne avait qualifié ces pressions de tentative de "réduire au silence la liberté d'expression".
- Guerre de Gaza -
Le Qatar est l'un des pays médiateurs dans la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.
Depuis le 7 octobre, Al Jazeera diffuse en continu des reportages sur les conséquences des opérations militaires israéliennes dans le territoire palestinien.
Ses émissions ont été parmi les plus suivies au Moyen-Orient, dans un contexte de désenchantement généralisé à l'égard de la couverture médiatique occidentale.
En avril, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a accusé Al-Jazeera d'être "un organe de propagande du Hamas et d'avoir participé activement" à l'attaque sanglante menée le 7 octobre par le mouvement palestinien dans le sud d'Israël, qui a déclenché la guerre à Gaza.
Peu avant, le Parlement israélien a voté une loi permettant d'interdire la diffusion en Israël de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l'Etat, un texte visant la chaîne qatarie.
Sur la base de cette loi, le gouvernement israélien a approuvé le 5 mai la décision d'interdire à Al Jazeera d'émettre depuis Israël et de fermer ses bureaux pour une période renouvelable de 45 jours, prolongée pour la quatrième fois par un tribunal de Tel-Aviv la semaine dernière.
"Nous condamnons et dénonçons l'acte criminel d'Israël qui viole le droit d'accès à l'information", avait réagi la chaîne.
Le 12 septembre, le gouvernement israélien avait annoncé la révocation des cartes de presse de plusieurs journalistes d'Al Jazeera.
Son bureau à Gaza a été bombardé et quatre membres de son personnel ont été tués.
L'armée israélienne a accusé à plusieurs reprises ses journalistes à Gaza d'être des "agents terroristes".
Le chef du bureau de Gaza, Waël al-Dahdouh, a été blessé par une frappe imputée à Israël en décembre, qui a tué le caméraman de la chaîne.
La chaîne rejette les accusations israéliennes et affirme qu'Israël cible systématiquement ses reporters à Gaza.
G.Lomasney--NG