Les hausses des taux aux Etats-Unis tombent au pire moment pour Hong Kong
Le durcissement de la politique monétaire aux Etats-Unis tombe au pire moment pour Hong Kong qui, en raison de l'arrimage de sa monnaie au billet vert, se retrouve forcé de suivre le mouvement malgré une économie à la peine.
Ce taux de change quasiment fixe du dollar de Hong Kong par rapport au dollar américain, instauré en 1983, a permis au territoire de surmonter la crise financière asiatique de 1997 et a consolidé son statut de grande place financière mondiale.
Mais cela signifie aussi que Hong Kong n'a guère d'autre choix que de s'aligner sur la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, laquelle vient de mener sa plus forte hausse de taux en 22 ans pour tenter de ralentir l'inflation.
"La flambée de Covid à Hong Kong et en Chine continentale est déjà en train de nuire à la croissance", rappelle Lloyd Chan, économiste chez Oxfort Economics. "La dernière chose dont Hong Kong a besoin en ce moment, c'est d'une hausse des taux d'intérêt".
Vendredi, le territoire a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2022, désormais attendue entre 1% et 2%, après une chute de 4% au premier trimestre, bien pire que prévu.
Après avoir bénéficié pendant plus d'une décennie des faibles taux d'intérêt, Hong Kong fait maintenant face à un retour de bâton, a averti la semaine dernière le responsable des Finances de la ville, Paul Chan.
"Alors que l'économie ne s'est pas encore complètement remise de l'épidémie, nous devons être vigilants quant à l'impact de la hausse des taux d'intérêt (...) sur la population et les petites et moyennes entreprises", a écrit M. Chan sur son site internet officiel.
Jusqu'à présent, les banques de Hong Kong se sont efforcées de maintenir stables les taux réservés à leurs meilleurs clients. Mais les analystes estiment qu'elles seront prises à la gorge d'ici trois à six mois.
"Les taux d'intérêt pourraient augmenter plus vite que dans le passé, vu le rythme accéléré que suit la Fed et aussi à cause d'un changement général de la perception du risque dans le monde", explique à l'AFP Gary Ng, économiste chez Natixis.
- L'immobilier en première ligne -
Les premiers à subir le choc seront les titulaires d'hypothèques liées au taux interbancaire hongkogais HIBOR, prédit Heron Lim, économiste chez Moody's. Selon lui, cela entraînera une baisse des prix immobiliers en 2022 et 2023, "surtout si la demande de la part des investisseurs de Chine continentale est faible".
Le renchérissement des hypothèques devrait par ailleurs peser sur le portefeuille des ménages, ralentir leur consommation et donc retarder la reprise à Hong Kong, dont l'économie a tourné au ralenti au premier trimestre en raison des restrictions draconiennes contre le Covid-19.
Les petites et moyennes entreprises sont elles aussi promises à "des temps très durs" si la hausse des taux s'accompagne d'un rebond épidémique, redoute Samuel Tse, économiste chez DBS Bank.
La monnaie hongkongaise peut flotter dans une marge comprise entre 7,75 et 7,85 dollars de Hong Kong pour un dollar américain. Le taux de change est actuellement dans le bas de cette fourchette, à cause des sorties de capitaux.
La semaine dernière, l'Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA) a dépensé 8,53 milliards de dollars de Hong Kong (1,08 milliard de dollars américains) pour soutenir la monnaie locale, sa première intervention depuis 2019.
Certains commentateurs ont commencé à mettre en cause le bien-fondé de l'arrimage au dollar, évoquant les pressions liées à la pandémie et les tensions entre la Chine et les Etats-Unis. Cet arrimage constitue un système "hautement robuste et transparent", s'est défendu le chef adjoint de la HKMA, Edmond Lau.
Les quatre analystes interrogés par l'AFP s'accordent à prédire que Hong Kong maintiendra son arrimage au dollar malgré les changements dans l'économie mondiale.
"Même si les réserves en devises sont passées de 500 milliards de dollars (américains) à environ 460 milliards, cela reste un niveau relativement haut qui devrait être suffisant pour défendre le dollar de Hong Kong", estime M. Tse, de DBS.
Pour M. Lim, de Moody's, le système actuel est "très défendable" tant que Hong Kong restera une porte d'entrée internationale pour l'économie chinoise.
M. Ng, de Nataxis, note quant à lui qu'aucune vente de panique n'a jusqu'à présent affecté le dollar de Hong Kong, ce qui, selon lui, est de bon augure pour l'avenir de l'arrimage. "Mais à moyen ou long terme", ajoute-t-il en évoquant les divergences entre les économies de la Chine et des Etats-Unis, "tout dépendra de savoir si les avantages de cette stabilité monétaire l'emportent encore sur les coûts".
W.Prendergast--NG