A Rome, une "vente à l'aveugle" de colis fait recette
De son ongle manucuré, Benedetta déchire le ruban adhésif d'un mystérieux colis pour découvrir une binette de jardin et des écouteurs sans fil, tandis que son amie déballe ce qui semble être un harnais.
Ces étudiantes italiennes font partie des centaines de personnes présentes à cette "vente à l'aveugle" de colis non réclamés, où les boîtes de toutes tailles sont vendues au poids dans un centre commercial de Rome.
"J'habite à la campagne, je dois toujours planter des fleurs et j'utilise une cuillère à soupe pour creuser. Je n'aurais jamais acheté une binette de mon propre chef", reconnaît Benedetta.
C'est la première édition en Italie d'une vente à l'aveugle pour la startup française King Colis et le succès est tel que son PDG, Killian Denis, prévoit de vendre dix tonnes de colis en six jours, avec une moyenne de 800 acheteurs et 3.000 visiteurs par jour.
M. Denis explique avoir eu cette idée pendant le confinement, après que plusieurs articles commandés en ligne pour divertir ses filles ont été perdus par la poste.
"J'étais remboursé à chaque fois... mais j'ai commencé à me demander ce qu'il advenait des colis perdus, non livrables", confie M. Denis à l'AFP.
"J'ai découvert qu'ils étaient détruits par les entreprises logistiques chargées de leur livraison, car ils ne leur servent à rien et les fournisseurs refusent de les récupérer en raison des coûts de transport".
C'est alors qu'avec un ami d'enfance, ils ont décidé de devenir des "sauveteurs de colis".
- 'Une seule règle' -
Alors que la file d'attente serpente à travers le centre, Antoine Ulry gère le stand où les gens disposent de 10 minutes pour "prendre autant d'articles qu'ils le souhaitent dans les bacs".
Les clients fouillent dans les piles, secouent les paquets et les portent à leurs oreilles.
"La seule règle à suivre est de ne pas ouvrir les colis avant de les acheter", précise M. Ulry.
Certains acheteurs déchirent leurs achats dès que l'argent a changé de mains.
Tandis qu'un client s'éloigne avec un caddie débordant de boîtes, Giuseppe Arancio, agent d'entretien des routes, découvre que les colis pour lesquels il a déboursé 123 euros (126 dollars) contiennent notamment une cocotte en pierre.
"La cocotte a de la valeur, et j'ai eu d'autres petites choses dont j'avais besoin. De l'incertitude sont sorties des choses utiles", sourit-il.
Après les premières ventes éphémères en France, l'entreprise a organisé des ventes à l'aveugle en Autriche, au Danemark, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Le Portugal et l'Espagne suivront bientôt.
L'entreprise King Colis, qui a fait son entrée sur la scène logistique en mars 2024, est à l'origine de ce type d'opérations commerciales en France. Selon elle, cette initiative s'inscrit dans une démarche de réduction des déchets.
Cette pratique n'est pas isolée : de multiples acteurs du secteur ont déployé des ventes similaires récemment, que ce soit sur les plateformes numériques, les marchés traditionnels ou dans les centres commerciaux à travers la France.
Un tiers des colis vendus provient de géants européens de la logistique, tandis que les deux tiers restants viennent de revendeurs Amazon.
La plupart de ces derniers sont des colis perdus, le reste étant des articles retournés et invendus.
Un porte-parole d'Amazon a déclaré à l'AFP que "nous ne travaillons pas avec des revendeurs de 'boîtes mystères'/'colis secrets'".
L'entreprise "n'envoie pas de retours clients non ouverts ou non livrables aux liquidateurs", mais utilise la liquidation pour donner une "seconde vie" à certains produits retournés.
F.Coineagan --NG