

Sommet contre la malnutrition: des dons annoncés mais le défi financier persiste
La mobilisation des Etats comme des donateurs privés a été au rendez-vous du sommet contre la malnutrution organisé jeudi et vendredi à Paris, mais ne suffira pas face au repli de l'aide internationale, en particulier américaine, ont souligné organisateurs et participants.
"Notre action collective peut faire la différence entre stagnation et progrès, entre vulnérabilité et résilience", a résumé Afshan Khan, secrétaire générale adjointe de l'ONU, en clôturant la réunion "Nutrition pour la croissance".
"Mais nous ne pouvons ignorer le fait que nous clôturons ce sommet à un moment de grand défi financier: les coupes récentes sur l'aide sont évaluées à 44% par (la coalition d'experts) +Standing together for nutrition+, et malgré les forts engagements (recueillis à Paris, NDLR), les impacts de ces coupes de plus long terme iront au-delà des programmes d'urgence, et affecteront des services de santé essentiels, des programmes alimentaires à l'école, agricoles, d'assainissement de l'eau..."
L'édition 2025 de cette réunion, organisée traditionnellement tous les quatre ans dans la ville hôte des Jeux olympiques, était le premier grand rendez-vous consacré au développement depuis l'annonce du quasi-démantèlement par Donald Trump de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID).
Elle intervient alors que l'aide publique au développement était déjà en recul ces dernières années en Italie, Belgique, Pays-Bas, France, Royaume-Uni... dans un contexte de difficultés économiques ou d'accroissement des dépenses militaires.
- "Dignité et stabilité" -
Entre la faim, la sous-nutrition, mais aussi le surpoids et les maladies liées à une alimentation ultra-transformée, plus de 2,8 milliards de personnes souffrent de malnutrition, au Sud comme au Nord, selon la FAO.
Pendant ces deux jours, selon les organisateurs, 27,55 milliards de dollars d'engagements financiers sur quatre ans ont été recueillis, qui seront contrôlés par la plateforme "Global nutrition report", gérée par l'ONG américaine Path.
C'est plus que le bilan du précédent sommet Nutrition, organisé à Tokyo, qui avait été alimenté pour moitié par la contribution des Etats-Unis, a souligné Brieuc Pont, secrétaire général de cette édition française.
Cette somme vient à la fois des Etats, de banques de développement et d'organisations philanthropiques américaines (qui ont annoncé plus de 2 milliards de dollars de dons). Parmi celles-ci la fondation de la famille Bezos a promis jusqu'à 500 millions à l'Unicef, qui, sans citer nommément Washington, avait alerté mercredi du risque vital encouru par des millions d'enfants en raison des coupes drastiques des aides.
Les besoins pour éradiquer la malnutrition sont évalués par la Banque mondiale à 13 milliards de dollars par an.
Cette rencontre "restera une étape cruciale dans la lutte contre la malnutrition", a estimé Marjeta Jager, directrice générale adjointe à la coopération internationale à la Commission européenne. "La nutrition c'est la dignité, et la stabilité".
- A Los Angeles en 2028 ? -
Elle a évoqué un engagement européen (collectif et Etats-membres) de 6,5 milliards d'euros, "montrant le rôle de leader" de l'Europe, "partenaire stable et fiable".
Le ministre français des Partenariats internationaux, Thani Mohamed Soilihi, qui a piloté l'événement, a relevé la présence de 106 Etats, au côté d'ONG, mouvements de jeunesse, banques de développement...
"La nutrition s'infiltre dans tous les sujets, c'est un levier central de développement", et "un des plus rentables", puisque un dollar investi dans la nutrition génère 23 dollars de richesse, a-t-il souligné.
La France pour sa part évalue à "plus de 750 millions d'euros" le montant qu'elle consacrera sur cinq ans à la nutrition.
Mais pour Action contre la faim (ACF), qui "salue une mobilisation politique inédite", "cette dynamique ne s'est pas traduite par des engagements financiers à la hauteur des défis". Côté français notamment, c'est "une immense déception", alors que la société civile demandait le double, soit le retour au niveau de 2020, a réagi l'ONG.
Les Etats-Unis, au-delà du seul sujet nutrition, étaient de loin le plus grand contributeur à l’aide humanitaire mondiale, avec plus de 64 milliards de dollars en 2024, soit 42% du total.
Le pays, hôte des Jeux en 2028 (Los Angeles), accueillera-t-il le prochain sommet nutrition? "Nous l'espérons, nous sommes en dialogue constant avec les Etats-Unis pour que le mouvement continue", a dit M. Mohamed Soilihi.
X.Fitzpatrick--NG