Une rentrée scolaire sous tension face à la pénurie d'enseignants
Y aura-t-il "un professeur devant chaque classe", comme l'a promis Pap Ndiaye? Moins de dix jours avant la réouverture des écoles, c'est un défi pour le ministre de l'Education nationale, qui fera sa première rentrée scolaire sous le signe d'une crise de recrutement inédite.
Cette année, plus de 4.000 postes n'ont pas été pourvus aux concours enseignants, un taux historiquement bas, selon les chiffres du ministère de l'Education nationale. Dans le premier degré public, le taux de postes pourvus est de 83,1%, contre 94,7% l'an dernier. Pour les collèges et lycées, il se situe à 83,4%, contre 94,1% en 2021.
Ces difficultés de recrutement particulièrement aiguës, notamment liées à une crise d'attractivité du métier, font craindre une rentrée scolaire sous tension.
"Nous avons un problème de recrutement des professeurs", a reconnu en juillet le ministre de l'Education Pap Ndiaye. "C'est un problème ancien, mais qui s'est aggravé ces dernières années". Le ministre l'a toutefois promis à plusieurs reprises: "Il y aura un professeur devant chaque classe dans toutes les écoles de France" à la rentrée.
"Nous faisons ce qu'il faut pour", a-t-il dit. Des cellules ont ainsi été mises en place cette semaine dans chaque académie pour "régler les difficultés là où elles se posent", répondre aux questions des enseignants contractuels nouvellement embauchés pour pallier aux manques d'effectifs, et préparer au mieux la rentrée.
C'est dans l'une de ces cellules, de l'académie de Créteil (banlieue du sud-est de Paris), particulièrement affectée par les difficultés de recrutement, que le ministre se rend mardi matin pour son déplacement inaugural de rentrée, avant sa première conférence de presse vendredi.
Car des disparités fortes existent entre les régions. Dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires), de sérieux déficits existent notamment dans les académies franciliennes, et plus particulièrement dans celles de Créteil et Versailles. A peine plus de 900 candidats ont été recrutés sur 1.665 postes ouverts à Créteil, et pas plus à Versailles, pour 1.600 postes ouverts.
- "Rentrée de la pénurie" -
Face à ce recrutement insuffisant, dix députés (Nupes) de Seine-Saint-Denis ont d'ailleurs demandé en juillet au ministre de l'Education "des mesures d'urgence" pour la rentrée, dans un département populaire et à forte démographie, déjà pénalisé par de nombreux non-remplacements des professeurs.
Dans le second degré, certaines disciplines inquiètent particulièrement: plusieurs matières sont loin d'avoir fait le plein aux concours, comme l'allemand (55% des postes pourvus contre 70 à 81% durant les trois années précédentes), les lettres classiques (57%), la physique-chimie (66,7%) ou les mathématiques (68,5%). Pap Ndiaye avait évoqué début août des tensions de recrutement "notamment pour les langues vivantes et la technologie", lors d'une audition à l'Assemblée nationale.
Pour répondre à la crise de recrutement, des contractuels ont été embauchés dès juin lors de controversés "job-dating", entretiens organisés dans plusieurs académies. Les personnes retenues, qui doivent avoir au minimum une licence - quelle qu'elle soit -, enseigneront dès la rentrée, avec souvent quelques jours de formation seulement, proposés à partir de cette semaine.
"Ca reste quand même très léger. Ca ne remplace pas une formation un peu plus conséquente", relève Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, qui évoque son "inquiétude, et en même temps une forme d'agacement".
"C'est la rentrée de la pénurie", ajoute-t-elle. "On a bien vu que les rectorats et le ministère bricolaient dans tous les sens pour pouvoir afficher un prof devant chaque classe à la rentrée. Mais quand bien même cet objectif serait atteint, on peut se demander quel en sera le prix, si ce sont des professeurs qui ne sont pas formés".
Stéphane Crochet, du SE-Unsa, un autre syndicat enseignant, craint, lui, que "derrière l'affichage de la rentrée, si l'on réussit à peu près à mettre des gens devant les classes, on n’ait plus aucune réserve de remplaçants".
G.Lomasney--NG