Japon: la croissance s'essouffle, le gouvernement sous pression pour relancer l'économie
Le Japon a vu sa croissance économique ralentir nettement au troisième trimestre, alors qu'un typhon, une alerte au "mégaséisme" et une consommation toujours fragile ont pesé sur l'activité - de quoi encourager le nouveau Premier ministre à muscler ses mesures de relance.
Selon une première estimation gouvernementale publiée vendredi, le produit intérieur brut (PIB) de la quatrième économie mondiale a progressé de 0,2% au troisième trimestre 2024 (juillet-septembre) comparé au deuxième, conformément aux attentes des analystes sondés par Bloomberg.
Un net essoufflement après une croissance de 0,5% au deuxième trimestre (chiffre révisé). Par rapport au même trimestre de l'an dernier, le PIB a progressé de 0,3%, bien moins qu'attendu par le marché (+0,6%) et très en-deçà des +1,3% enregistrés à la même période en 2023.
La consommation privée, qui avait plombé les six premiers mois de l'année, a certes connu une embellie durant l'été (+0,9% en progression trimestrielle), notamment grâce à des baisses d'impôts temporaires, des revalorisations salariales et, surtout, la reprise des ventes automobiles.
"Les constructeurs ont relancé leur production" après les scandales de fraudes aux tests de certifications qui avaient affecté le secteur au printemps, souligne Marcel Thieliant, du cabinet Capital Economics.
Mais "la consommation a été affectée par les catastrophes naturelles" et reste fragile, avertit Ryutaro Kono, économiste de BNP Paribas.
Ainsi, l'ampleur de la reprise a été limitée par le puissant typhon Shanshan qui s'est abattu sur l'archipel fin août, obligeant à suspendre l'activité d'usines et à interrompre le trafic aérien et ferroviaire.
Et une alerte exceptionnelle au "méga-séisme", émise pendant une semaine par l'agence météorologique en août après une violente secousse, a également "affaibli la demande touristique" avec de multiples annulations de voyages, ajoute M. Kono.
- "Incertitude politique" -
Le sursaut de la consommation privée trimestrielle "intervient après une baisse cumulée de 2% au cours des quatre trimestres précédents, il serait prématuré de sabler le champagne", conclut Stefan Angrick, analyste de Moody's Analytics.
Le tableau demeure sombre: les investissements privés et publics ont légèrement diminué, les exportations nettes s'affaissent.
Et le choc inflationniste persiste: l'archipel, après avoir subi pendant des décennies une inflation quasi inexistante, connaît depuis deux ans et demi une hausse des prix à la consommation égalant ou dépassant 2%, notamment en raison d'un yen affaibli qui renchérit les produits importés.
Cela ne devrait pas changer dans l'immédiat, avec l'envolée du dollar dans la foulée de l'élection de Donald Trump.
"Les revalorisations des salaires continuent, mais pas suffisamment pour suivre l'inflation, ce qui pèse sur les finances des ménages" et leur consommation, tandis que la morosité de la conjoncture mondiale devrait pénaliser les exportations japonaises, insiste M. Angrick.
Le retour du très protectionniste M. Trump "augure d'une période tumultueuse pour le commerce mondial", ajoute-t-il, notant aussi "l'incertitude politique" au Japon même.
Le Premier ministre Shigeru Ishiba (PLD), en poste depuis début octobre, ne dispose plus de la majorité au Parlement depuis un rude échec lors de législatives anticipées qu'il avait provoquées, mais a été reconduit cette semaine à la tête d'un gouvernement minoritaire.
Il ambitionne de lancer des mesures de soutien à l'activité, projets suspendus au soutien d'éventuels partis alliés.
- Aides aux ménages -
"Notre pays se trouve à un carrefour important, en transition vers une économie basée sur la croissance, tirée par les hausses de salaires et les investissements", a assuré vendredi le porte-parole du gouvernement, Yoshimasa Hayashi.
"Pour y parvenir (...) un ensemble de mesures est actuellement à l'étude", a-t-il indiqué, anticipant "une reprise (économique) graduelle".
M. Ishiba a notamment promis de soutenir les ménages modestes et ceux élevant des enfants, auxquels il projette de distribuer directement des enveloppes d'aides selon les médias nippons.
Surtout, il souhaite revitaliser les régions rurales en exploitant "leur potentiel longtemps ignoré pour servir de catalyseur" et sortir l'archipel de "la stagnation".
M. Ishiba prépare un "budget supplémentaire" pour intégrer les dépenses publiques nécessaires et projette un plan de subventions massives aux secteurs de l'intelligence artificielle et des semi-conducteurs.
La Banque du Japon (BoJ) a entrepris de relever prudemment cette année ses taux longtemps restés historiquement bas: selon les analystes, l'institution pourrait les remonter à nouveau en décembre, notamment pour enrayer la glissade continue du yen, face à une inflation tenace.
"La BoJ sera encouragée par le renforcement des dépenses de consommation" au troisième trimestre, juge M. Thieliant.
W.Murphy--NG