Un village pakistanais enterre un des siens, un migrant mort au large des côtes africaines
Un petit village pakistanais a enterré jeudi un de ses siens : Arslan Khan, retrouvé mort noyé comme douze autres compatriotes au large des côtes africaines alors qu'ils tentaient de rallier l'Europe sur une nouvelle route migratoire via la Mauritanie.
"Nous avons fait partir Arslan pour qu'il puisse construire un avenir", confie son frère Adnan, 34 ans, au milieu du cortège funéraire qui traverse le village verdoyant de Mirza Virkan dans le Pendjab, dans l'est frontalier de l'Inde.
Le passeur "nous a dit qu'il le ferait voyager légalement mais il ne l'a pas fait et il nous a renvoyé un cadavre", dénonce-t-il.
Adnan raconte que sa famille a vendu "des terres et des bêtes" pour payer le passeur d'Arslan dans cette région considérée comme le grenier à blé du Pakistan.
Le corps d'Arslan a été rapatrié cette semaine dans son village natal après avoir été découvert il y a trois semaines.
Les autorités pakistanaises ont annoncé que les corps de 13 de leurs ressortissants avaient été retrouvés après le naufrage survenu mi-janvier.
Leur embarcation transportait environ 80 passagers, selon la diplomatie pakistanaise, partis de Mauritanie en direction du nord vers les îles espagnoles des Canaries. Une nouvelle route migratoire rarement empruntée jusqu'à présent par des migrants d'Asie du sud.
Les passagers se sont enfoncés dans les eaux au large de Dakhla, au Sahara occidental, avait précisé le ministère le 16 janvier.
- Punir le passeur -
Dans le village de Mirza Virkan, Adnan, réclame justice pour la mort de son frère mort sur sa route d'exil.
"Nous avons déposé plainte contre (le passeur) mais il n'a toujours pas été arrêté", se lamente Adnan.
"Nous voulons que les autorités le punissent et nous rendent justice parce qu'aucune autre famille ne devrait connaître le même malheur que nous".
Le Pakistan, un des dix pays premiers pays d'émigration au monde selon l'ONU, a déjà été endeuillé par le passé par des naufrages de migrants.
Le pays a connu en juin 2023 sa plus grande tragédie - en Méditerranée centrale, la route migratoire la plus meurtrière au monde, très utilisée par les migrants cherchant à entrer dans l'Union européenne pour fuir des conflits ou la misère.
Parti de Libye en direction de l'Italie, l'Adriana, un chalutier délabré et surchargé avait sombré - avec plus de 750 passagers à bord, dont près de la moitié pakistanais selon Islamabad.
Seuls 82 corps avaient été retrouvés, selon l'ONU. Parmi les 104 survivants, 53 avaient porté plainte contre les garde-côtes grecs, affirmant qu'ils avaient mis des heures à intervenir malgré les signalements de l'agence européenne des frontières Frontex et de l'ONG Alarm Phone.
En 2023, un responsable du renseignement pakistanais avait assuré à l'AFP qu'environ 40.000 Pakistanais tentaient chaque année de quitter le pays avec la complicité de passeurs.
W.P.Walsh--NG