Est de la RDC: le conflit s'installe dans le Sud-Kivu, l'ONU appelle à arrêter "l'escalade"
Le M23 et les troupes rwandaises ont continué à progresser jeudi dans l'Est de la RDC, menaçant la capitale du Sud-Kivu Bukavu et son aéroport, le chef de l'ONU appelant à mettre fin à une "escalade".
Après s'être emparés la semaine dernière, au terme d'une offensive éclair, de la capitale de la province du Nord-Kivu Goma, le groupe armé et les troupes rwandaises ont fait reculer les forces congolaises après des affrontements à une quarantaine de kilomètres de la localité de Kavumu, qui abrite l'aéroport de Bukavu, selon des sources sécuritaires et humanitaires.
Le M23 ("Mouvement du 23 mars") avait décrété unilatéralement un cessez-le-feu humanitaire à partir de mardi et assuré ne pas vouloir "prendre le contrôle" de Bukavu "ou d'autres localités".
Mais dès mercredi, le groupe armé antigouvernemental et ses alliés rwandais ont lancé une nouvelle offensive dans la province voisine du Sud-Kivu.
"Faites taire les armes, arrêtez l'escalade", a exhorté jeudi le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. "Nous sommes à un moment critique et il est temps de s'unir pour la paix".
Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame doivent participer samedi à Dar es Salaam à un sommet extraordinaire conjoint de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Est (EAC) et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).
La communauté internationale et des pays médiateurs comme l'Angola et le Kenya tentent, jusqu'ici sans succès, de trouver une issue diplomatique à la crise dans la crainte que le conflit ne dégénère en guerre régionale.
Kinshasa réclame des sanctions contre Kigali.
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU doit se réunir en urgence vendredi, à la demande de Kinshasa.
- "Psychose terrible" -
Jeudi, des dizaines de milliers d'habitants de Goma, convoqués dans un stade de Goma, ont assisté au premier meeting public du M23 dans la cité de plus d'un million d'habitants.
"Nous sommes venus à Goma pour vous libérer", "on veut libérer tout le Congo" et "chasser" du pouvoir le président Félix Tshisekedi, a lancé à la foule Corneille Nangaa, un cadre de la plateforme politico-militaire Alliance fleuve Congo dont le M23 fait partie. La RDC a lancé mercredi un mandat d'arrêt international contre M. Nangaa.
Selon l'ONU, les combats à Goma ont fait au moins 2.900 morts.
Dans le Sud-Kivu, une "psychose terrible" s'est emparée jeudi des localités proches de l'aéroport de Kavumu, situé à une trentaine de km de Bukavu, selon un habitant joint au téléphone par l'AFP.
Dans le chef-lieu d'un million d'habitants, plusieurs établissements universitaires, dont l'Université catholique, ont annoncé suspendre les cours vendredi, "au regard de la situation sécuritaire qui prévaut aux environs de la ville".
Selon des sources humanitaires et locales interrogées jeudi, les forces congolaises (FARDC) s'attendent déjà à une prochaine offensive à Kavumu.
Du matériel et des hommes sont en cours d'évacuation avant d'être pris au piège par l'avancée du M23 et son allié rwandais, toujours selon les mêmes sources.
En plus de trois ans de conflit, l'armée congolaise, réputée mal formée et minée par la corruption, n'a cessé de reculer dans l'Est du pays, riche en ressources naturelles, que Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller.
Le Rwanda nie et affirme vouloir y éradiquer des groupes armés, notamment créés par d'ex-responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui menacent selon lui sa sécurité.
Le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, a pour sa part assuré mercredi "suivre de près" la situation en RDC, où les informations faisant état d'exactions, de pillages et de viols se multiplient.
C.Queeney--NG