Israël retarde la libération de Palestiniens en raison des "cérémonies humiliantes" imposées aux otages
Israël a annoncé dimanche reporter les libérations de prisonniers palestiniens, prévues dans le cadre du fragile cessez-le-feu en vigueur à Gaza, en attendant que le Hamas ne garantisse qu'il mettra fin aux "cérémonies humiliantes" pour les otages libérés.
A une semaine de la fin de la première phase de l'accord de trêve en vigueur dans le territoire palestinien ravagé par 15 mois de guerre, le gouvernement israélien et le mouvement islamiste se sont accusés mutuellement de le violer à l'occasion de ce qui devait être le septième échange prévu d'otages israéliens contre des prisonniers palestiniens.
Le Hamas a bien libéré six otages, les derniers encore en vie dont la libération était prévue durant cette première phase.
Le sixième otage, Hicham al-Sayed, 37 ans, un Bédouin israélien otage à Gaza depuis près de dix ans, a été remis au CICR à l'écart des caméras.
Alors qu'était prévue la libération de 620 prisonniers palestiniens, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a confirmé à l'issue d'une réunion sécuritaire qu'elle n'aurait pas lieu.
"A la lumière des violations répétées du Hamas, notamment les cérémonies humiliantes qui déshonorent nos otages, et l'utilisation cynique des otages à des fins de propagande, il a été décidé de retarder la libération des terroristes (prisonniers palestiniens, ndlr) qui était prévue (samedi), jusqu'à ce que la libération des prochains otages soit assurée sans cérémonies humiliantes", a déclaré M. Netanyahu dans un communiqué de son bureau dans la nuit.
Le Hamas a accusé Israël de "violation flagrante" de l'accord de trêve.
Dans la bande de Gaza comme en Cisjordanie, occupée par Israël, des familles attendaient pourtant avec impatience la libération de leurs proches.
"Je n'arrive toujours pas à croire que mon fils sera libre après 33 ans" de détention, avait rapporté à l'AFP, avant l'annonce israélienne, Oumm Diya al-Agha, une femme de 80 ans, qui attendait dans un hôpital de Khan Younès, dans le sud de Gaza.
- Vidéo du Hamas -
Samedi matin, des combattants en treillis s'étaient déployés à Rafah, dans le sud de Gaza, pour les deux premières libérations, certains portant des armes automatiques, d'autres des lance-roquettes.
Le visage tendu, Tal Shoham, un Israélo-Italo-Autrichien de 40 ans enlevé le 7 octobre 2023, a été contraint de prononcer quelques mots.
A ses côtés se tenait, l'air hagard, Avera Mengistu, 38 ans, otage depuis plus de dix ans à Gaza, après avoir été filmé en 2014 escaladant la barrière séparant le territoire d'Israël.
Le même scénario s'est répété à Nousseirat, dans le centre de Gaza, pour la libération de Eliya Cohen, Omer Shem Tov et Omer Wenkert, âgés de 22 à 27 ans, enlevés au festival de musique Nova, apparus souriants après 505 jours de captivité.
Ces mises en scène ont été dénoncées à plusieurs reprises par Israël, l'ONU et la Croix-Rouge.
Samedi soir, la branche armée du Hamas a en outre publié une vidéo apparemment tournée dans la journée à Nousseirat, montrant deux otages en train de regarder la libération des trois Israéliens et suppliant Benjamin Netanyahu de les libérer.
Le Forum des familles d'otages l'a qualifiée de "dérangeante", y voyant une "démonstration de cruauté particulièrement écoeurante".
- Autopsie des Bibas -
Vendredi déjà, Benjamin Netanyahu avait juré de faire payer au Hamas le prix fort de sa violation "cruelle" du cessez-le-feu, après avoir affirmé que l'un des corps restitués la veille n'était pas celui de l'Israélienne Shiri Bibas comme annoncé.
Symbole du drame des otages, cette femme avait été capturée le 7 octobre 2023 avec ses deux fils Kfir et Ariel, alors âgés de huit mois et demi et quatre ans.
La dépouille de Shiri Bibas a finalement été restituée dans la nuit de vendredi à samedi. Et son autopsie, et celle de ses deux enfants, n'a révélé aucun indice "de blessure causée par un bombardement", a déclaré samedi soir Chen Kugel, chef de l'Institut national de médecine légale.
Après l'examen des dépouilles des deux petits frères, l'armée israélienne a déclaré qu'ils avaient été "tués de sang froid par des terroristes".
Le Hamas, qui affirme que la famille est morte lors d'un bombardement israélien, a dénoncé samedi "des mensonges sans fondement".
- Négociations retardées -
A Tel-Aviv, des centaines d'Israéliens ont suivi en direct sur la "place des otages" la retransmission de ces libérations, entre sanglots et explosions de joie.
"Après 505 jours, je l'ai vu pour la première fois, et grâce à Dieu, je l'ai vu sur ses deux jambes, souriant, c'est Omer! C'est mon Omer", s'est exclamée Sara Ashkenazi, la grand-mère d'Omer Shem Tov, qui attendait dans un appartement de Tel-Aviv.
Sur les 251 otages enlevés le 7 octobre 2023, 62 restent retenus à Gaza parmi lesquels 35 sont morts, selon l'armée israélienne.
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a averti samedi que le Hamas serait "détruit" s'il ne libérait pas "immédiatement" tous les otages.
Depuis le début de la trêve le 19 janvier, 29 otages israéliens, dont quatre décédés, ont été remis à Israël, en échange de plus de 1.100 détenus palestiniens.
Selon le Hamas, seuls quatre otages morts devront encore être rendus à Israël avant la fin de la première phase de l'accord.
Le mouvement s'est dit prêt à libérer "en une seule fois" tous les otages qu'il détient encore durant la deuxième phase, censée mettre fin définitivement à la guerre.
Mais les négociations indirectes sur cette deuxième étape ont jusque-là été retardées après des accusations mutuelles de violations de la trêve.
L'attaque du Hamas a entraîné la mort de 1.215 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles israéliennes et incluant les otages morts ou tués en captivité.
L'offensive israélienne menée en représailles à Gaza a fait au moins 48.319 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
W.P.Walsh--NG