

Imamoglu, le maire d'Istanbul dans le viseur d'Erdogan
Champion de l'opposition turque, le maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu est plus que jamais dans le viseur du président Recep Tayyip Erdogan qu'il rêve de détrôner.
Le véhément opposant à l'actuel chef de l'Etat, lui-même maire dans les années 90 de cette ville, la capitale économique de la Turquie, a vu mardi son diplôme universitaire annulé : en vertu de la Constitution, cette décision risque de le priver de l'élection présidentielle de 2028, pour laquelle il devait être le candidat du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate).
L'édile avait fait une entrée fracassante sur la scène politique nationale en 2019 en infligeant une humiliante défaite électorale au chef de l'Etat. Il a largement été réélu l'an passé à la tête de la plus grande ville de Turquie.
Ekrem Imamoglu a dénoncé mardi une décision "illégale", estimant sur X que le conseil d'administration de l'université stambouliote n'était pas habilité à le priver de sa licence en gestion d'entreprise.
"Nous subissons un harcèlement judiciaire au plus haut niveau mais nous n'abandonnons et n'abandonnerons pas", avait lancé l'élu fin janvier à la foule massée pour le soutenir devant un tribunal d'Istanbul où il comparaissait pour des propos contre le procureur général de cette ville.
Au total, le maire est visé par six procédures, dont l'une, qui avait débouché sur une peine de prison dont il a fait appel, l'avait déjà mis hors jeu pour la présidentielle de 2023.
- "Plaire à tous" -
En ravissant Istanbul en 2019, après 25 années de domination locale du camp de M. Erdogan, et en conservant haut la main cette mégapole en 2024 malgré les efforts déployés par le chef de l'Etat pour lui faire barrage, Ekrem Imamoglu est devenu l'homme à abattre.
Régulièrement classé parmi les personnalités politiques préférées des Turcs, celui qui était un quasi inconnu jusqu'en 2019 ne cesse de se poser en rival direct de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003, d'abord comme Premier ministre puis en tant que président.
Musulman pratiquant mais membre d'un parti laïque, cet ex-homme d'affaires originaire des côtes de la mer Noire, qui a fait fortune dans le bâtiment avant d'entrer en politique, séduit au-delà de sa formation.
"Il peut plaire à tous les segments de l'électorat d'opposition, qu'il s'agisse d'électeurs turcs, kurdes, sunnites, alévis, jeunes ou âgés", estime Berk Esen, de l'université Sabanci d'Istanbul.
"Ses mots résonnent (...) Il répond avec sincérité. Il gagne facilement le coeur des gens", explique à l'AFP l'ancien journaliste Sükrü Küçüksahin, un de ses proches.
- "Fourmi atomique" -
Le maire ne fait toutefois pas l'unanimité dans son camp, où il est parfois accusé de se soucier davantage de son avenir que de ses administrés.
Certains redoutent déjà qu'il ne soit devienne un "Erdogan bis", concentrant les pouvoirs à la tête du pays.
Ses adversaires affirment qu'il investit davantage dans la communication que dans la prévention du risque sismique, très élevé à Istanbul, ce que les chiffres de la mairie démentent.
"C'est quelqu'un qui depuis cinq ans ne s'intéresse qu'à des questions sans lien avec Istanbul", avait lancé pendant les élections municipales de 2024 son principal adversaire, un protégé du président Erdogan.
Ekrem Imamoglu assure quant à lui travailler "comme une fourmi atomique" -une référence à un dessin animé populaire- et se vante d'avoir largement féminisé la municipalité.
J.Fletcher--NG