

David Liu, le magicien de l'ADN qui écrit le futur de la médecine
Une révolution est en marche dans le secteur de la thérapie génique avec à sa tête David Liu, un biologiste moléculaire américain dont les travaux permettant de remodeler l'ADN avec une précision sans précédent promettent de transformer la médecine.
Professeur au Broad Institute du MIT et d'Harvard dans le nord-est des Etats-Unis, David Liu se verra décerner le 12 avril un "Oscar de la science" pour avoir développé deux technologies novatrices - l'une ayant déjà amélioré la vie de patients atteints de graves maladies génétiques, l'autre amorçant une révolution dans le domaine de l'édition génomique.
"Transformer une séquence ADN sélectionnée en une nouvelle séquence de notre choix est une capacité fondamentalement très puissante", souligne le scientifique de 51 ans auprès de l'AFP en amont de la cérémonie à Los Angeles des Breakthrough Prizes, un prix prestigieux lancé au début des années 2010 par des entrepreneurs de la Silicon Valley pour récompenser des percées en recherche fondamentale.
M. Liu y recevra 3 millions de dollars, une somme qu'il prévoit de reverser en grande partie à l'oeuvre de charité qu'il a fondée. Une consécration pour ses travaux sur l'"édition de base" et l'"édition primaire" du génome, deux techniques aux nombreuses applications possibles en médecine mais aussi en agriculture, pour développer par exemple des cultures plus nutritives ou plus résistantes.
- Ciseaux moléculaires -
L'ADN est composé de quatre type de nucléotides qui forment les lettres de l'alphabet génétique (A, C, T et G). Des mutations dans leurs combinaisons et successions sont à l'origine de milliers de maladies génétiques, dont seul un nombre limité pouvait être jusqu'à présent traité par l'édition génomique.
Les "ciseaux moléculaires" Crispr-Cas9, une technologie révolutionnaire couronnée en 2020 par le Nobel de chimie, avaient suscité de grands espoirs dans ce domaine. Mais ils ont des limites: ils coupent les deux brins qui forment la structure en double hélice de l'ADN, ce qui contribue à perturber les gènes plutôt qu'à les corriger, avec le risque d'introduire de nouvelles erreurs.
Or, le traitement des maladies génétiques exige "dans la plupart des cas, des moyens permettant de corriger les erreurs dans les séquences ADN, et pas simplement de perturber le gène" défectueux, explique David Liu.
Ce constat a conduit son équipe à développer l'"édition de base". Cette technique utilise une version modifiée du "Cas9" au coeur de la technologie des ciseaux moléculaires. Cette fois-ci, la protéine ne coupe plus les deux brins de l'ADN mais cible toujours une séquence génomique précise et est alliée à une enzyme capable de convertir un nucléotide ou lettre en un autre.
Alors que la plupart des thérapies géniques traditionnelles visent à perturber les gènes à l'origine des maladies, l'"édition de base" permet de réparer directement près d'un tiers des mutations en cause.
Cette technologie novatrice fait l'objet d'au moins 14 essais cliniques, l'un d'entre eux ayant permis de traiter des patients souffrant de déficit en alpha-1-antitrypsine (DAAT), une maladie génétique rare qui affecte le foie et les poumons.
- "Petits miracles" -
Aussi prometteuse soit-elle, l'"édition" de base ne permettrait toutefois de traiter qu'environ 30% des quelque 100.000 mutations connues pour être à l'origine de maladies génétiques.
Elle n'est d'aucune utilité par exemple en cas de lettre manquante ou supplémentaire au sein d'une séquence ADN.
Pour pallier ces manques, l'équipe de David Liu a présenté en 2019 l'"édition primaire", une méthode capable de remplacer des séquences entières d'ADN.
Si la technologie du Crispr-Cas9 peut être comparée à des ciseaux à ADN, et l'"édition de base" à un effaceur permettant de corriger une seule lettre à la fois, l'"édition primaire" est similaire à la fonction "rechercher et remplacer" d'un logiciel de traitement de texte.
La création de cet outil révolutionnaire a été rendue possible par une série de découvertes, décrites par l'équipe de Liu comme des "petits miracles". Et constitue à ce jour "le moyen le plus polyvalent que nous connaissons pour modifier le génome humain", souligne le scientifique.
Il pourrait notamment permettre de traiter la mucoviscidose, une maladie d'origine génétique qui détériore les systèmes respiratoires et digestifs, causée le plus souvent par la délétion de trois nucléotides.
K.Cairstiona--NG